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L’administration des élections – Burkina Faso

Les atouts de l’institution

L’administration des élections au Burkina Faso relève principalement des missions dévolues à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). La CENI est une structure permanente chargée de l’organisation de tout le processus électorale depuis la confection des listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats des différents scrutins. Elle doit son existence au déficit de confiance des partis politiques dans l’organisation des élections par le ministère de l’intérieure, à qui il est reproché de ne pas être neutre et impartial. Toutefois, la CENI a été créée de façon consensuelle à la demande de la classe politique et de la société civile. La CENI dans sa forme actuelle a vu le jour en 2001 à la faveur des réformes proposées par le Collège des sages. En effet, après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, le Burkina Faso avait sombré dans une grave crise sociale et politique qui avait sérieusement ébranlé le régime du Président Compaoré. Pour sortir de cette crise, le Président eut l’intelligence de créer ce Collège des Sages, qui, grâce aux vertus du dialogue a fait des recommandations pertinentes de reformes politiques et sociales parmi lesquelles figuraient la création d’une institution indépendante chargée de l’organisation des élections.

La CENI est composée de quinze membres à raison de cinq représentants de l’opposition, de la majorité et de la société civile. Les représentants de la société civile sont choisis à raison d’une personnalité parmi les organisations religieuses (catholique, protestant et musulman), la chefferie traditionnelle et les organisations de défense des droits humains. Le mandat des membres de la CENI est de cinq ans renouvelable une fois. Désignés, les membres de la CENI sont nommés par un décret du chef de l’Etat et sont soumis à l’obligation de prêter serment devant le conseil constitutionnel.

Le président est élu par les membres de la commission parmi les représentants de la société civile. L’actuel président représente la communauté catholique. Avant lui (entre 2001 et 2011), c’était un représentant des organisations de défense des droits humains qui avait présidé à la tête de l’institution. Au terme de leur serment, les membres ont l’obligation d’assurer leurs missions en se conformant aux obligations qui suivent : l’impartialité, la neutralité, l’intégrité, l’objectivité et la transparence. En élevant ainsi le niveau auquel les membres doivent prêter serment, le législateur a sans doute voulu donner toute son importance à cette institution stratégique dans l’enracinement de la démocratie. En effet, dans le schéma institutionnel du Burkina, il est bon de rappeler que seul le Président du Faso prêtait serment devant le Conseil constitutionnel avant d’entrer en fonction. La CENI est appuyée au plan administratif et technique par un secrétariat général dirigé par un secrétaire général, administrateur civil de profession et nommé en conseil des ministres sur proposition du président de la CENI.

En vue d’assurer efficacement ses missions, la CENI est déconcentrée au niveau local à travers des démembrements que sont les Commission Electorale Provinciale Indépendante (CEPI) les Commission Electorale Communale Indépendante (CECI) ou Commission Electorale Indépendante d’Arrondissement (CEIA). Ces démembrements sont composés de deux représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile, soit un total de six (06) membres. Ces membres, dont le mandat dure le temps de la période électorale, prêtent serment devant les tribunaux de grande instance de leur ressort avant d’entrer en fonction. Leur serment les soumet aux mêmes obligations que celles des membres de la CENI. Les démembrements de la CENI sont au nombre de 45 au niveau provincial et plus de 350 au niveau communal. Ces démembrements ont la mission de mettre en œuvre les décisions de la CENI en matière électorale au niveau local.

Si on peut se réjouir globalement de ce que les élections sont organisées au Burkina sans qu’on assiste à des scènes de violence extrême comme c’est souvent le cas dans plusieurs Etats africains, la CENI est affaiblie par deux facteurs : le manque de professionnalisme et sa faible autonomie.

Les faiblesses de l’institution

En principe, l’obligation qu’ont les membres de la CENI et de ses démembrements de prêter serment devrait mettre la CENI à l’abri de problèmes déontologiques préjudiciables à l’organisation transparente des élections. Or, de graves problèmes déontologiques nuisent souvent à l’action de la CENI. Des membres de la CENI et de ses démembrements sont souvent accusés par une partie de l’opinion de ne pas exercer leur fonction en toute impartialité, neutralité et objectivité. On leur reproche de favoriser tel ou tel camp politique. Par exemple, la presse et les partis politiques de l’opposition ont critiqué la médiation qu’a tentée de faire le président de la CENI lors du dépôt controversé des listes électorales du parti au pouvoir dans une des communes du Burkina (Gourcy, ville situé dans le nord du pays). En effet, dans cette commune, les contradictions à l’intérieur du parti au pouvoir, ont entraîné le dépôt de deux listes électorales ; ce qui est contraire à la loi électorale. Cette situation aurait du en principe entraîner l’invalidation des listes de ce parti. Suite à l’intervention du président de la CENI et à une décision de justice, une des listes du parti au pouvoir a été retenu.

La liste retenue était conduite par le beau père du frère du président Compaoré. Se fondant en partie sur cet incident, un journal de la place (le journal l’Evénement) a titré que le président de la CENI faisait partie des gardiens du « Temple Compaoré », du nom du chef de l’Etat. Si on ne peut douter de la bonne foi du président de la CENI dans cette affaire des listes de Gourcy, on peut faire remarquer que la mission de l’institution est très délicate et qu’en conséquence ses membres devraient faire l’effort de se tenir à équidistance des forces politiques. Ce n’est qu’à ce prix que l’opinion aura une meilleure perception du rôle de la CENI. On peut aussi rappeler que les problèmes de déontologie et d’éthique ont souvent un lien avec la faible compétence de certains membres. La question du professionnalisme de la CENI est remise à l’ordre du jour de l’agenda politique depuis 2001 après l’organisation des scrutins. Ainsi, dans son rapport sur les élections législatives de 2007, la CENI elle-même, avait pris conscience de cette situation en indiquant que : « Il se trouve malheureusement que les partis politiques et les organisations de la société civile n’opèrent pas toujours des choix adéquats de leurs représentants dans les démembrements de la CENI. En effet, dans certains cas, les choix sont portés sur des personnes de très faible niveau d’instruction, quelques fois même sur des analphabètes. Or, ce sont ces personnes qui sont entre autres chargées de transmettre les formations et instructions aux agents recenseurs, aux agents distributeurs de cartes d’électeurs et aux membres des bureaux de vote ».

En vue de garantir la neutralité et l’impartialité de la CENI et de ses démembrements, le législateur a prévu que la présidence de la structure soit assurée par la société civile. A l’expérience, celle-ci au Burkina se révèle plus politisée que les partis politiques à tel point qu’il a été remis en question sa participation en tant que composante de la CENI. Bon nombre d’acteurs de la société civile burkinabè sont en réalité des militants ou des sympathisants de partis politiques. Une partie de l’opposition et de la société civile considèrent, à tort ou à raison, que la plupart des présidents de l’institution sont des proches du parti au pouvoir. La société civile devrait opérer une mue si elle veut continuer de jouir de la confiance des acteurs politiques.

Du point de vue de son indépendance financière, la CENI reste fortement dépendante du gouvernement. En effet, c’est au gouvernement que revient le pouvoir de mettre à la disposition de l’institution les ressources nécessaires pour le financement non seulement de son fonctionnement, mais aussi pour l’organisation des scrutins. Le budget de la CENI et celui de l’élection font l’objet d’un arbitrage de la part des cadres du ministère des finances qui peuvent opérer des réductions de dépenses. Ces réductions de dépense, si elles sont justifiées, peuvent avoir des impacts sur la bonne organisation des élections. Toutefois, on peut noter que généralement le ministère en charge des finances reste tout de même attentif aux préoccupations de la CENI lorsque l’on est en période électorale. Quoique permanente, la CENI ne vit presque pas entre deux élections. Son budget de fonctionnement ne lui permet pas de mener des activités comme celle relative à l’éducation citoyenne.

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