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L’identification et la gestion des listes électorales – Tchad

L’enrôlement des électeurs est l’un des points sur lesquels portent les innovations introduites par le code électoral suite à l’accord politique du 13 août 2007. A l’origine, le recensement des électeurs relevait de la compétence de la Commission nationale de recensement électoral (CNRE), mise en place par le ministère en charge de l’administration du territoire. Son impartialité ayant été mise en cause, les acteurs politiques ont convenu de l’élargissement du mandat de la CENI en lui conférant la confection des listes électorales. Le point I.2 de l’accord politique et l’article 2 de la loi 020 portant création de la commission électorale lui confient en effet l’ensemble des opérations électorales.

Conditions requises pour être électeur

Au Tchad, l’inscription sur les listes électorales est à la fois un droit et un devoir pour tous les tchadiens remplissant les conditions requises par la loi. Aux termes de l’article 3 du code électoral, les conditions à remplir se rapportent à la nationalité, à l’âge et à la jouissance des droits civiques et politiques. Seuls peuvent être inscrits les personnes portant la nationalité tchadienne, âgées de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civiques et politiques. A contrario, sont exclus :

  • Les individus condamnés pour crime ;
  • Les individus condamnés à une peine d’emprisonnement assortie ou non d’un sursis d’une durée supérieure ou égale à deux mois assortie d’une amende pour vol, escroquerie, abus de confiance, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption et trafic d’influence ou attentats aux mœurs ;
  • Les individus en état de contumace ;
  • Les personnes frappées d’interdiction et ou pourvues d’un conseil ;
  • Les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée par des tribunaux tchadiens, soit par des jugements rendus à l’étranger et exécutoires au Tchad ;
  • Les individus privés de leurs droits civiques et politiques.

Conception des listes électorales

La conception des listes est du ressort de la commission électorale qui s’appuie, d’une part, sur les agents recenseurs et, d’autre part, sur le bureau permanent des élections. Au regard de la population électorale déterminée sur la base du recensement général de la population, un nombre déterminé d’agents recenseurs est recruté, formé et déployé sur le terrain afin de procéder à l’enrôlement des électeurs. Pour cela, l’administration électorale s’appuie sur les chefs traditionnels dont l’apport est crucial dans les contrées reculées. Pour justifier leur identité, les électeurs doivent produire l’une des pièces suivantes :

  • Un passeport ou une carte d’identité nationale ;
  • Un livret militaire ou un livret de pension militaire ou civile;
  • Un permis de conduire ;
  • Une carte d’étudiant ou uns carte scolaire de l’année en cours ;
  • Une carte consulaire ;
  • Un ticket de la taxe civique ;
  • Un acte de naissance.

Les électeurs qui ne disposent pas de l’une ou l’autre pièce sus-indiquée peuvent être inscrits sur la liste électorale à condition de recueillir le témoignage d’au moins deux notables qui atteste leur identité. En raison des faiblesses de l’état civil, de nombreux tchadiens ne disposent ni de la carte nationale d’identité, ni de l’acte de naissance. Le témoignage des chefs et notables devient alors indispensable et de loin le seul élément pour attester l’appartenance de l’électeur à la communauté. Ce recours au témoignage des notables est certes pratique, mais il ne comporte pas moins des limites au regard surtout de la porosité de nos frontières et des liens entre des peuples établis le long des frontières. Ce qui accrédite la thèse selon laquelle il n’y a pas de listes électorales fiables sans maitrise de l’état civil.
Les dates d’ouverture et de clôture des listes électorales sont fixées par décret pris en conseil de ministres. Les listes électorales sont établies par circonscription et consignées dans un fichier général et permanent des électeurs. Ce ficher est tenu par le bureau permanent des élections qui en assure la révision. Il peut être consulté par les partis politiques qui le souhaitent.

Révision des listes électorales

En dehors des périodes électorales, la révision des listes électorales est assurée par le bureau permanent des élections qui est appuyé dans cette mission par l’administration qui met à sa disposition les services compétents dont il a besoin. Les dates de révision des listes électorales sont fixées par décret pris en conseil de ministres.

En dehors des périodes de révision, des catégories déterminées de personnes peuvent être inscrites sur les listes électorales. Il s’agit :

  • des fonctionnaires et agents de l’Etat et des établissements publics, parapublics et privés mutés ou admis à la retraite après la clôture des délais d’inscription ainsi que les membres de leurs familles domiciliés avec eux ;
  • les personnes ayant recouvré leur droit électoral après la perte du statut qui les en empêchait ;
  • les citoyens établis à l’étranger et régulièrement immatriculés aux représentations diplomatiques et consulaires du Tchad lorsqu’ils rentrent à titre provisoire ;
  • les citoyens déjà inscrits sur une liste électorale lorsqu’ils changent de domicile ou de résidence ;
  • les nomades et les personnes en déplacement saisonnier ;
  • les personnes ayant atteint la majorité électorale après la période de révision des listes.

Autorités en charge de la conception des cartes électorales

La conception des cartes d’électeurs est de la compétence de la commission électorales par l’entremise de la commission contrôle et suivi des opérations électorales. En la matière, la commission électorale a reçu l’assistance technique d’experts en listes électorales et en informatique. Les cartes ont été imprimées sur des supports sécurisés commandés en Allemagne sur financement de l’union européenne.

Le colisage et la ventilation des cartes d’électeurs sont effectués par le bureau permanent des élections sous la supervision de la commission électorale. Des paquets sont ainsi convoyés vers les démembrements de la commission électorale en vue de leur acheminement vers les centres de distribution.

Les centres de distribution sont généralement les centres d’enrôlement. Chaque électeur est donc invité à se présenter à son lieu d’enregistrement pour retirer sa carte. Le retrait est normalement individuel et se fait au vu du récépissé délivré par l’agent recenseur le jour du recensement. Mais dans les faits, de nombreux couacs ont été constatés, qui ont considérablement discrédité la commission électorale.

Le premier couac relevé par les partis politiques a été la présence de cartes vierges dans les colis envoyés aux démembrements pour distribution. Certes, la réaction de la commission a été prompte, mais cela a créé un climat de suspicion. Le deuxième couac a été relevé au niveau de la distribution des cartes d’électeurs. Le retard accusé dans la confection des cartes d’électeurs n’ayant pas permis à la commission électorale de procéder à une distribution dans les délais légaux, des milliers de cartes d’électeurs se sont retrouvées au domicile des chefs de quartiers et des chefs traditionnels sans mesure de sécurisation. De plus, la vérification de l’identité des inscrits n’a pas été automatique. Il est à souligner que les cartes ne comportaient pas de photo. De nombreuses cartes électorales se sont retrouvées entre les mains de personnes autres que les destinataires. Ce qui a pu favoriser certaines irrégularités, notamment le vote multiple.

En réaction à ces ratés, les candidats à l’élection présidentielle ont adressé un mémorandum à la CENI demandant entre autres l’impression de nouvelles cartes d’électeurs. Face au refus de cette dernière arguant les délais et le vide juridique à la tête de l’Etat en cas de non organisation de l’élection dans les délais, les principaux ténors de l’opposition à savoir Saleh Kebzabo, Wadal Abdelkader Kamougué et Yorongar Ngarlejy, vont se retirer de la course.

Etat des débats sur la question des listes électorales

La question des listes électorales anime les débats politiques depuis de nombreuses années. Depuis l’élection présidentielle de 2006 boycottée par une partie de l’opposition, l’une des réclamations de cette dernière a été l’enregistrement biométrique des électeurs pour éviter à la fois les doublons et les votes multiples.

Cette demande de l’opposition sera entendue lors des pourparlers ayant abouti à l’accord politique du 13 août 2007. Il a été ainsi décidé que l’enrôlement des électeurs se ferait sur des bases modernes en introduisant la biométrie. Ce point de l’accord politique sera pris en compte par le code électoral.

Suite au retard accusé dans le lancement du processus électoral et des raisons d’ordre financier, les acteurs politiques ont été bien contraints d’accepter l’enrôlement classique. En effet, une étude commandée par la CENI estimait à 60 milliards de francs CFA le coût global d’une inscription biométrique des électeurs sans compter qu’une telle opération devait s’étaler sur une durée de 18 à 36 mois. Mais face aux ratés du recensement électoral, l’exigence d’un recensement biométrique a refait surface. Cette question se posera donc avec insistance à l’approche des prochaines élections prévues en 2015 et 2016.

Liens utiles et ressources documentaires

June 2006 referendum in Mauritania

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