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L’identification et la gestion des listes électorales – Burkina Faso

Elaborer un fichier électoral fiable : La biométrie a suscité beaucoup d’espoirs

Comme dans de nombreux Etats africains, le Burkina Faso rencontre de sérieuses difficultés pour disposer d’un état civil fiable. En effet, de nombreuses personnes naissent, grandissent sans jamais posséder un acte d’état civil. Or, la citoyenneté d’un individu s’apprécie par rapport au fait que celui-ci détient un acte d’état civil qui fait la preuve du lien entre celui-ci et l’Etat dont il se réclame. Ainsi, l’acte d’état civil au Burkina est soit l’acte de naissance, le jugement supplétif qui est délivré aux personnes n’ayant pas pu bénéficier dans les délais d’une déclaration de naissance, d’une carte nationale d’identité. Comme on peut aisément l’imaginer, une telle situation n’est pas sans conséquences sur la qualité du fichier électoral. En effet, la loi électorale exige que pour s’inscrire sur une des listes électorales, tout citoyen burkinabè doit présenter soit un acte de naissance ou un jugement supplétif, soit une carte nationale d’identité. Historiquement, la liste électorale exigeait une gamme plus élargie d’actes d’état civil pour l’inscription sur les listes. En plus des actes cités, l’on pouvait s’inscrire avec un livret de famille, un livret de pension militaire, une carte d’identité militaire. La pluralité de ces pièces a souvent facilité la manipulation des listes à travers les inscriptions multiples. Ainsi, depuis le retour à une nouvelle vie constitutionnelle, les différents scrutins qui ont été organisés ont démontré les faiblesses du fichier électoral. Dans les rapports d’observation des scrutins qui se sont succédé, tous les observateurs s’accordaient sur la nécessité qu’il y avait à aller vers un fichier électoral biométrique. L’opposition burkinabè appuyée d’une partie de la société civile a amplifié cette requête. Leur plaidoyer était d’autant plus facilitée que le Président Blaise Compaoré, médiateur dans plusieurs crises socio politiques de la sous région recommandaient dans ces pays le recours à la biométrie. De même, plusieurs pays de la sous région étaient passés à cette formule « magique ».

Après des hésitations, le gouvernement burkinabè a fini par introduire un projet de loi modificatif du code électoral pour faire adopter le 5 avril 2012 le recensement biométrique des électeurs. A la suite de cela, la CENI a lancé un appel d’offres restreint de marché international, à l’issue duquel la société française GEMALTO a été retenue.

Dès mai 2012, la CENI a disposé dans les différents centres d’enrôlement plus de 3500 ordinateurs équipés et des groupes électrogènes. Ce sont plus de 4000 opérateurs de saisie et 12300 aides opérateurs qui ont été mobilisés sur l’ensemble du territoire. L’opération a démarré le 1er juin pour s’achever le 16 août. Les Burkinabè absents de leur lieu de résidence et disposant de justificatifs ont pu s’inscrire tout le mois de septembre.

Au plan technique, l’opération ne pouvait pas se dérouler au même moment sur l’ensemble du territoire à cause du nombre de machines disponibles. La CENI a divisé le territoire en quatre zones. Les équipes restaient dans chaque zone pendant dix jours pour l’enrôlement des électeurs. La zone I où a eu lieu le lancement de l’opération a bénéficié d’une prorogation de cinq jours supplémentaires compte tenu des difficultés constatées dans la mise en œuvre de l’opération. En revanche, les zones de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso disposant d’un plus grand nombre de potentiels d’électeurs ont été couvertes pendant vingt et un jours.

Pour figurer sur la liste électorale, les citoyens en âge de voter présentaient une des pièces suivantes : la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), l’extrait d’acte de naissance ou de jugement supplétif. Au vu d’une de ces pièces, l’opérateur remplissait les champs d’information sur la machine, prenait la photo de l’électeur et prenait ses dix empreintes digitales. Après quoi, une carte d’électeur biométrique était remise à l’électeur. De même, il convient de noter que pour la première fois, les étrangers vivant au Burkina ont pu se faire enrôler pour voter lors du scrutin municipal. Pour s’inscrire, les étrangers devraient remplir certaines conditions :

  • Présenter une carte consulaire, un passeport, une carte d’identité ;
  • Justifier d’une résidence effective d’au moins dix ans (la preuve est faite par la présentation d’un certificat de résidence) ;
  • Justifier d’une profession légalement reconnue ;
  • Etre à jour de ses cotisations fiscales.

Au final, ce sont 39 personnes de nationalité étrangère qui ont été enrôlées.
A la fin de l’opération d’enrôlement, on a enregistré 4 365 153 inscrits sur un potentiel d’environ 7,5 millions. Le traitement informatique a permis d’élaborer une liste provisoire qui a été publiée au moins un mois avant la date du scrutin. Cette liste était consultable sur le site internet de la CENI et affiché dans les sièges des Commissions électorales communales. La publication de la liste vise plusieurs objectifs parmi lesquels on peut noter le souci de corriger des erreurs éventuelles qui ont pu être commises lors de la confection, la radiation des personnes n’ayant pas le droit de figurer sur la liste ou la réinscription de celles qui ont été omises. Par exemple, en dépit du recours à la biométrie, la CENI a relevé plus de 26 000 cas de citoyens inscrits plusieurs fois. Pour ce qui concerne la révision des listes, une modification du code électorale permet désormais une révision annuelle des listes. La période la période de cette révision est déterminée par décision de la CENI en accord avec le gouvernement. Comment va s’organiser cette révision avec l’introduction de la biométrie ? La révision se fera-t-elle sur l’ensemble du territoire et à quel échelon (village, commune, province ou région) ? Faudra t-il centraliser la révision au niveau national ? Le mode opératoire de cette opération n’a pas encore été défini. Les membres de la CENI devraient délibérer très prochainement sur ces questions. La révision va permettre aux personnes ayant atteint la majorité électorale et remplissant les autres conditions de s’inscrire si elles le désirent. Mais elle devrait permettre aussi une épuration de la liste par élimination des personnes décédées sur présentation d’un acte de décès.

Les insuffisances observées lors de l’opération biométrique

Si l’opération biométrique a enregistré du succès au Burkina dans la mesure où elle a suscité de l’engouement chez les populations lors des inscriptions en comparaison avec les précédentes opérations de recensement électoral et le jour du scrutin (plus de 70% de taux de participation), il convient de souligner certaines insuffisances liées :

  • Au choix de la période d’inscription qui a coïncidé avec la saison des pluies : le Burkina Faso est un pays où les voies de communication ne sont inégalement développées d’une zone à une autre. Certains opérateurs qui se rendaient dans des villages coupées du reste pays par de vastes étendues d’eau ont été transporté par voie aérienne ;
  • Plusieurs citoyens dans les villages ne disposaient pas des pièces exigées pour l’inscription : en dépit des opérations massives de délivrance gratuite d’acte d’état civil, plusieurs personnes en âge de voter ne disposaient pas de ces pièces ;
  • La non maîtrise de la cartographie électorale ;
  • Les groupes électrogènes utilisées n’étaient pas toujours de bonne qualité ; cela a occasionné des lenteurs excessives dans l’opération : les gens devaient attendre plusieurs heures dans les rangs pour pouvoir se faire enrôler dans les délais;
  • Certains opérateurs n’étaient pas suffisamment compétents pour un tel travail : Certains parmi eux n’avaient pas reçu de formation ;
  • La faible implication des partis politiques et de la société civile dans les campagnes de sensibilisation des citoyens.
  • Des citoyens détenteurs de leur carte d’électeur n’ont pas pu voter parce que leurs noms ne figuraient pas sur la liste électorale : l’absence de leurs noms sur les listes est liée à des problèmes techniques. Les ordinateurs avec lesquelles ces personnes ont été enregistrées sont tombés en panne alors que les opérateurs n’ont pas eu le réflexe d’enregistrer leur inscription.

 

Liens utiles et ressources documentaires

 

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