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La régulation et l’équilibrage de la campagne électorale – Sénégal

Le financement des partis politiques

Le financement des partis politiques au Sénégal est une question longtemps posée qui demeure jusque-là entière. C’est en 1984 que l’opposant Me Abdoulaye Wade avait saisi le Président de l’Assemblée Nationale afin que le Parlement sénégalais adopte une loi sur le statut de l’opposition et le financement des partis politiques. Malgré la volonté affichée du président Abdou Diouf en nommant le 7 août 1998, par décret n°98-657, un médiateur en la personne du Pr El Hadji Mbodj pour apporter une réponse favorable à cette problématique et les débats politiques très souvent agités sous le magistère du président Abdoulaye Wade, le financement des partis politiques n’est encore régi par aucun texte juridique au Sénégal.

La pertinence du financement des partis politiques sur le budget de l’Etat réside dans l’assainissement des finances, l’instauration des mécanismes afin de lutter contre les iniquités et le financement occulte dans le champ politique aussi bien au sein de la majorité présidentielle que de l’opposition. En dehors du financement sur les biens de l’Etat de la couverture médiatique des candidats en campagne électorale, des affiches et prospectus en période électorale, toutes les activités des partis politiques doivent être autofinancées à partir de leurs ressources propres. Ces ressources proviennent, en principe, des cotisations de leurs membres et sympathisants, des activités lucratives et autres revenus autorisés par la loi.

La réalité semble être toute autre au regard des moyens importants dont disposent de nombreux partis politiques, plus particulièrement en période électorale. L’insuffisance des ressources autorisées par la loi à couvrir les dépenses considérables des partis politiques fait naitre des soupçons de financement illicite des partis politiques. L’opposition accuse la mouvance présidentielle de recourir aux deniers publics (notamment les fonds politiques) pour financer ses activités politiques et les partis de l’opposition sont souvent accusés de bénéficier du soutien financier de lobbies et/ou de chefs d’Etat africain qui ne s’entendent pas avec le Président de la République.

Débats autour du financement des partis politiques

La nécessité et les mécanismes du financement des partis politiques continuent de faire l’objet de controverses entre acteurs politiques, acteurs de la société civile et universitaires. Si certains comme le Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) sont hostiles à tout financement des partis politiques au regard des urgences des populations sénégalaises, la majorité des acteurs s’accordent sur l’utilité démocratique du financement des partis politiques, mais présentent des divergences sur les mécanismes de financement. Diverses propositions sont émises concernant la représentativité électorale des partis politiques en vue de lutter contre l’enrichissement de leaders politiques.

La régulation de la campagne électorale

Au Sénégal, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) est chargé de superviser et de contrôler les médias de l’audiovisuel, publics et privées, ainsi que la presse en période électorale en vertu du Code électoral et des lois organiques sur la presse et des dispositions arrêtées par le CNRA. C’est ainsi que le régime du président Abdou Diouf crée le Haut Conseil de la Radio Télévision (HCRT) par la loi n° 92-26 du 7 février 1992 qui sera substitué par le Haut Conseil de l’Audiovisuel (HCA) institué par la loi n° 98-09 du 2 mars 1998. Le HCA sera à son tour remplacé par le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) institué par la loi 2006-04 du 4 janvier 2006. La nouvelle institution en charge de la régulation du paysage audiovisuel surtout en période électorale a vu ses prérogatives se renforcer par rapport à celles du HCA. Les membres du CNRA sont nommés pour un mandat de 6 ans. Ce mandat n’est ni renouvelable, ni révocable. Ces mécanismes de verrouillage à propos du mandat des membres du CNRA a pour finalité de leur garantir une autonomie dans l’accomplissement de leur mission et en dehors de toutes pressions.

Le CNRA est chargé de réguler le paysage audiovisuel sénégalais aussi bien public que privée. Il est également de la compétence du CNRA d’assurer la régulation de la presse écrite en période électorale. Depuis sa création en 2006, le CNRA a participé à toutes les élections organisées au Sénégal en régulant l’espace audiovisuel et la presse écrite.

L’accès équitable des candidats aux médias publics et le respect de l’équilibre de l’information des médias privés relèvent de la compétence du CNRA. Ainsi, le CNRA procédé-t-elle également au tirage au sort de l’ordre de passage des candidats en lice à l’émission « Journal de la campagne » à la télévision nationale chaque soir, garantissant un temps d’antenne égal et gratuit à tous les candidats au scrutin présidentiel et à toutes les listes de candidatures aux élections législatives.

Dans sa mission de supervision et de contrôle du paysage médiatique durant la période électorale, le CNRA est souvent amené a adressé des mises en demeure et si besoin de prendre des sanctions à l’encontre de médias dont il estime avoir violé la loi régissant le travail du journaliste, notamment l’article LO.63 du Code électoral. Ces mises en demeure révèlent par ailleurs les limites du CNRA dans la mesure où les organes de presse concernés ne respectent pas toujours les injonctions de l’institution de régulation et pire certains médias dénoncent les décisions du CNRA à leur encontre. La rediffusion par la télévision TFM, le 18 mars 2012, d’un temps d’antenne accordé à son propriétaire Youssou Ndour qui battait campagne pour le candidat Macky Sall en l’absence d’un représentant du candidat sortant est une illustration des limites du CNRA à faire respecter ses décisions. En effet, à la suite de la première diffusion de ce temps d’antenne le 10 mars 2012, le CNRA avait incriminé l’émission et demandé à la TFM d’accorder la même faveur au camp adverse par souci d’équilibrer l’information. En outre l’achat de temps d’antenne par des candidats pendant la campagne électorale est strictement interdit, mais les mises en demeure du CNRA n’ont nullement empêché aux télévisions privés de s’adonner à cette pratique.

A ces insuffisances s’ajoute le vide juridique sur le silence électoral entre les deux tours et son non-respect par les médias même pendant les périodes prévues par la loi. Cette donne est révélatrice de l’efficacité relative de l’organe en charge de la supervision et du contrôle des médias et de la presse en période électorale.

Liens utiles et ressources documentaires

Senegalese president during the 2012 Presidential election in Senegal
Poster de Macky Sall (l’actuel president du Senegal) lors de l’élection présidentielle de février 2012

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