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Le système des partis politiques et des candidatures – Burkina Faso

Un régime extrêmement libéral

Le régime juridique de création des partis politiques est extrêmement libéral. Les dispositions régissant les partis politiques se trouvent au niveau le plus haut de la hiérarchie des normes : la Constitution et la loi. Selon l’article 13 de la Constitution burkinabè « les partis politiques se créent librement. (…). Ils mènent librement leurs activités dans le respect des lois. Tous les partis politiques ou formations politiques sont égaux en droits et en devoirs. Toutefois, ne sont pas autorisés les partis ou formations politiques tribalistes, régionalistes, confessionnels ou racistes ». La Constitution instaure donc le multipartisme et le rend intangible, puisque l’article 165 de la même Constitution prohibe la remise en cause du multipartisme. La liberté de création des partis politiques est confirmée par loi n°032-2001 du 29 novembre 2001 portant charte des partis politiques. Les partis sont créés sur le principe de la déclaration préalable. On dénombre de nos jours 104 partis politiques et 3 regroupements de partis politiques légalement reconnus et à jour vis-à-vis de la réglementation. En 2012, suite à une opération de contrôle effectuée par le Ministère de l’administration territoriale sur la régularité des partis, 48 partis et 3 regroupements ont été suspendus pour 12 mois en application de la charte des partis politiques. Le motif principal de suspension de ces partis était lié au fait que ceux-ci ne disposaient pas de siège.

Le trop grand nombre des partis politiques fait l’objet de critiques au sein de l’opinion. En effet, très peu parmi eux ont une représentativité effective. Ainsi, dans son édition du jeudi 18 décembre 2008, le journal Le Pays s’insurge contre cette tendance à la multiplication infinie des partis politiques. Ainsi, le journal écrit que : « Avec plus de cent partis politiques, il est aisé de calculer le nombre partis que compte le Burkina au kilomètre carré. Il serait dans le peloton de tête en Afrique, et pourquoi pas dans le monde. Le summum de l’aberration sera atteint lorsqu’on vous dira que les responsables de certains de ces partis ont déclaré dès leur constitution qu’ils soutiennent un parti déjà existant, en l’occurrence le parti au pouvoir. Pourquoi créer un parti politique si toutes ses ambitions se limitent à apporter un soutien à un autre parti politique ? On peut deviner à travers les motivations de ces leaders politiques, des objectifs bassement matériels. L’autre dirait qu’ils sont mus par des motivations “œsophagiques”, “tubes-digestivistes” ».

Le scrutin couplé du 2 décembre 2012 a démontré que sur 74 partis en compétition, seulement 13 ont obtenu au moins 1 siège à l’Assemblée. On peut noter que depuis 2002, seule une dizaine de partis gagnent au moins un élu aux différents scrutins législatifs organisés. Des voix se font entendre pour appeler au durcissement des conditions relatives à la création des partis. Le modèle ghanéen est cité en exemple.

Les partis politiques burkinabè se caractérisent par la division, la scissiparité. Très souvent de nombreux partis sont nés à la suite de conflits internes mal résolus. Ce qui traduit un problème de démocratie interne à l’intérieur de ces organisations. Les partis de la mouvance sankariste illustrent très bien ce manque d’unité. Plus d’une dizaine de partis politiques se réclament de l’illustre disparu, Thomas Sankara, sans jamais parvenir à dégager une plate-forme commune dans la conquête du pouvoir.

Les partis politiques ont le monopole de la présentation des candidatures pour ce qui concerne les élections législatives et municipales. Pour le scrutin présidentiel, les candidatures individuelles sont admises.

Tout candidat à l’élection présidentielle doit être burkinabè de naissance et être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus tard à la date de dépôt de sa candidature. En outre, tout candidat à l’élection présidentielle doit présenter une attestation de parrainage d’au moins 50 élus (députés ou conseillers municipaux). Lorsque l’attestation ne comporte que des élus locaux, ceux-ci doivent être répartis dans au moins sept des treize régions du pays. En revanche, si l’attestation comporte un seul élu national, l’obligation de répartition des élus sur l’ensemble du territoire n’est plus de rigueur. Chaque élu n’a le droit de parrainer qu’un seul candidat. Les candidats au scrutin présidentiel doivent verser une caution de 10 000 0000 F (approximativement 20 000 dollars US). La caution est remboursée pour tout candidat qui obtient au moins 5% des suffrages. Ces dispositions ont été intégrées dans la loi en vue de décourager ce qu’il est convenu d’appeler les « candidatures farfelues » au Burkina. L’expérience montrait que certains individus se présentaient aux élections présidentielles pour juste bénéficier du financement de la campagne sans disposer d’un véritable programme ou même d’une organisation crédible capable de conduire une campagne électorale digne de ce nom.

Pour les élections législatives, les listes sont obligatoirement présentées par les partis politiques. Il en va de même du scrutin municipal. Tout candidat à l’élection législative doit avoir au moins 21 ans révolus à la date du scrutin. Les étrangers naturalisés depuis au moins 10 ans peuvent se présenter. Chaque liste présentée est soumise à l’obligation de paiement d’une caution de 50 000 f CFA (approximativement 100 dollars US). Pour obtenir le remboursement de la caution, toute liste doit obtenir au moins 10% des suffrages exprimés. Il n’y pas de condition d’âge pour l’élection municipale, mais on peut soupçonner que tout candidat à cette élection doit avoir la qualité d’électeur, c’est-à-dire détenir la carte d’électeur. Or, seuls les citoyens ayant au moins 18 ans peuvent se faire délivrer une carte d’électeur. On peut en déduire que pour être candidat à l’élection municipal, l’on doit avoir 18 ans. La caution à ce scrutin est fixée à 1000 f CFA pour chaque liste, soit 2 dollars us. Comme au niveau du scrutin législatif, toute liste peut être remboursée à la condition d’obtenir au moins 10% des suffrages exprimés.

Déposées, les candidatures sont validées par le conseil constitutionnel pour l’élection présidentiel et législatif. S’agissant des élections municipales, la validation des candidatures relève de la compétence du conseil d’Etat. Aux dernières élections couplées du 2 décembre 2012, le conseil constitutionnel a enregistré 8 recours en invalidation de candidature. Un de ces recours a particulièrement fait l’objet de beaucoup de débats. Il s’agit du recours en invalidation de la candidature de deux magistrats présents sur une des listes du parti au pouvoir. Les requérants se basant sur la loi organique relative au statut des magistrats ont demandé l’invalidation des candidatures suscitées au motif que cette loi interdit aux magistrats toute activité politique sauf à se placer dans une position particulière qui les éloigne de leur fonction. Le juge constitutionnel a jugé la requête mal fondée, estimant que le conseil constitutionnel n’était pas compétent pour connaître de cette affaire. Une partie de l’opinion a estimé que les juges constitutionnels ont fait une mauvaise application de la loi sous l’influence du parti au pouvoir. Il faut noter que l’ensemble des membres de cette haute juridiction doive presque tous leur nomination au président du Faso, qui nomme directement le président de l’institution.

Les candidatures indépendantes

L’article 12 de la Constitution dispose : « Tous les Burkinabè sans distinction aucune ont le droit de participer à la gestion. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi ». En application de cette disposition constitutionnelle, la loi n° 014-2001/AN du 03 juillet 2001, portant code électoral, en ses articles 157 et 246, organise un monopole au profit des partis politiques dans la sélection des dirigeants politiques tant en ce qui concerne les élections législatives que municipales. En revanche pour le scrutin présidentiel, les candidatures indépendantes sont admises. Ce monopole consacré par la loi s’avère non seulement contraire au principe de participation qu’entend promouvoir l’article 12 de la Constitution mais aussi au principe d’égalité que réaffirme l’article 1er de la Constitution quand elle affirme : « Tous les burkinabé naissent libres et égaux en droit. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la [présente] Constitution ». Il en résulte que l’exclusion de citoyen de la compétition électorale par la négation de leur droit à l’éligibilité est contraire aux principes ci-avant évoqués qui sous-tendent les dispositions constitutionnelles citées. Ce monopole est d’autant plus anachronique que la société burkinabè, par les choix opérés, s’inscrit dans une mouvance libérale qui entend libérer les initiatives et partant promouvoir une citoyenneté active. A la faveur des dernières élections couplées du 2 décembre 2012, une coalition d’organisation de la société civile (OSC) a présenté des candidatures indépendantes aux élections législatives dans la province du Kadiogo. La CENI a refusé de réceptionner ces dossiers au motif que la loi électorale ne permettait pas ce type de candidatures. En effet, une interprétation stricte des dispositions du code électoral actuel ne permet pas la recevabilité des candidatures indépendantes présentées aux élections législatives et locales. Les OSC membres de la coalition ont attaqué devant les juridictions administratives la décision de refus. Ils n’eurent pas gain de cause devant les juridictions qui déclarèrent leur recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir. Cette décision est très critiquable, car elle se fonde sur une interprétation littérale du code électoral. Ayant soulevé une question de constitutionnalité de la loi électorale devant les juridictions administratives, il eut été intéressant d’élever le litige devant le juge constitutionnel par le biais de la question préjudicielle. En cas de déni de justice au plan national, les auteurs du recours peuvent bien saisir la cour de justice de la CEDEAO dont les récentes décisions sont audacieuses en matière de protection des droits de l’homme.

Défendu principalement par les organisations de la société civile, la question relative à l’admission des candidatures indépendantes ne semble pas préoccuper les partis politiques. Ceux-ci voient dans les premiers des adversaires potentiels qui pourraient leur ravir des postes de députés ou de conseillers municipaux. En revanche, les tenants de la société civile soutiennent qu’il est aujourd’hui anachronique de donner un monopole de représentation politique aux partis politiques. Ils invoquent pour ce faire une série d’arguments : un argument juridique et plusieurs arguments factuels. Au plan juridique, ils invoquent l’application du droit à la participation politique garantie pour tous les citoyens et le principe d’égalité consacré par l’article 1 de la constitution. S’agissant des faits, les tenants de l’admission des candidatures indépendantes reprochent aux partis politiques de souffrir d’un déficit démocratique interne. Ainsi, à la faveur des dernières élections couplées de décembre 2012, le parti au pouvoir avait prévu de recourir à des élections primaires pour la désignation des personnalités devant figurer sur ces listes électorales. Une telle opération avait l’avantage de restaurer aux militants de base leur pouvoir de choisir leurs représentants. Toutefois, la volonté exprimée lors des primaires n’a pas été respectée par la direction du parti. Cela a suscité des frustrations énormes. Des personnes mal placées au niveau des bases, sont retrouvées dans les meilleures positions sur les listes de candidature.

L’autre argument avancé par les tenants de la candidature indépendante met en avant l’idée que les partis politiques ont perdu toute crédibilité de représentation parce que, disent-ils, les partis ne disposent pas de programme. La conséquence qui en résulte c’est, disent-ils, la faible participation électorale. Cet argument a été relativement démenti par le taux relativement de participation aux dernières élections couplées estimé à plus de 70%. Affirmer dans l’absolu que les partis politiques burkinabè ne disposent pas de programme paraît excessif. En revanche, on peut noter qu’ils disposent d’une faible capacité programmatique.

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