University of Florida Homepage

Le quota des femmes et la question de la représentation – Burkina Faso

La loi sur les quotas, une avancée timide

Les femmes représentent 51,7% de la population globale contre 48, 3% d’hommes (Source : Institut National de la Statistique et de la Démographie, 2006). Toutefois, le constat est établi et admis par tous que les femmes sont non seulement sous représentés dans les partis politiques, mais aussi dans les sphères de prise de décision politique. Toutefois, dans la structuration des partis politiques, on retrouve des secrétariats aux questions féminines et des unions de femmes. L’organisation des partis politiques donne souvent l’impression que la problématique de la représentation des femmes n’est abordée que dans un but purement électoraliste. Au sein des organes des partis, les femmes sont confinées dans des secrétariats où en général, elles ont peu de poids dans les partis politiques. Soit, on leur confie la trésorerie tout en sachant que le parti ne dispose en réalité d’aucune ressources financière soit elles sont chargées des questions sociales. Sur la pléthore de partis politiques burkinabè, très peu sont dirigées par des femmes. Face à cette sous représentation des femmes, des initiatives ont été prises ces dix dernières années en vue d’y apporter des remèdes.

Ainsi, au Burkina Faso, on a enregistré l’adoption de la loi n°010-2009/AN du 16 avril 2009 portant fixation de quotas aux élections législatives et aux élections municipales. Sans conteste, dans le domaine de la gouvernance démocratique, cette loi constitue l’une des réformes législatives phares adoptées par l’Assemblée nationale burkinabè au cours de ces dernières années. Le processus qui a abouti aujourd’hui à l’adoption de cette loi est le résultat d’actions menées par les divers acteurs de la gouvernance démocratique, en particulier les organisations de la société civile. En effet, l’idée de quota a été surtout promue par les associations et organisations féminines lors des élections communales de 2000 et 2006 ainsi que lors des élections législatives de 2002 dans le cadre de leurs activités de plaidoyer et de lobbying auprès des partis politiques et de l’Assemblée nationale. Cette sensibilisation a amené certains partis politiques à promettre l’adoption et l’application de quotas internes. Le principe a ainsi été expérimenté lors des élections communales de 2000, avec pour résultat, l’augmentation très significative du nombre de femmes conseillères municipales.

Au cours de la 3e législature du régime actuel (2002-2007), la réflexion a été poursuivie en 2006 par le Caucus genre du parlement (mis en place par arrêté n°2005/042/AN/PRES du 13 octobre 2005 du Président de l’Assemblée nationale) dont la mission consistait à mener une réflexion sur les possibilités d’instituer un quota en faveur des femmes dans les sphères de décision. Ce Caucus a initié un Forum national regroupant des représentants de l’Exécutif, des partenaires techniques et financiers, des partis politiques, des organisations de la société civile autour du thème « la participation et la représentation des femmes en politique». Les travaux ont débouché sur l’élaboration d’une proposition de loi fixant des quotas de 30% au moins, pour une participation plus équitable des femmes et des hommes dans la vie du Parlement et dans la vie politique du pays.

Sous la 4e législature, la commission ad hoc parlementaire mise en place en 2008 a approfondi la question du quota dans la perspective de l’adoption de la loi. Au regard de leurs missions, les membres de la commission ont adopté une méthodologie de travail incluant, outre l’exploitation de documents, des travaux de groupe, et surtout des auditions avec les principales composantes de la société. Les ministres, les leaders des partis politiques, de la société civile, les partenaires techniques et financiers auditionnés ont soutenu l’idée que l’introduction de quotas pour les femmes permettrait d’assurer un bond qualitatif vers une gouvernance dont les visées et les moyens seront plus équitables. Le quota pourrait ainsi constituer un moyen efficace pour l’accroissement substantiel de la représentation des femmes dans les sphères de décision. C’est le lieu donc de reconnaître que l’adoption de la loi sur le quota de 30% a été rendue possible grâce à la conjugaison d’actions et d’efforts concertés des différents acteurs de la gouvernance ; ce qui a permis aux défenseurs des quotas de l’emporter dans un environnement politique caractérisé par le conservatisme. Ce n’est donc pas l’œuvre exclusive d’un seul acteur – même s’il faut rendre hommage à la volonté politique du Parlement sans laquelle aucune loi ne peut être adoptée. C’est plutôt le fruit d’un consensus entre les différents acteurs de la gouvernance œuvrant à une équitable représentation et participation des femmes à la vie politique nationale.

La loi sur les quotas vise à permettre à l’un ou l’autre sexe, sans distinction aucune, de prendre part à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire de représentants élus. Elle exclue donc une représentation à travers les postes nominatifs, alors qu’il existe un potentiel important de femmes cadres dans la Fonction publique que le gouvernement aurait pu promouvoir à des postes de responsabilité. La loi oblige les formations politiques à présenter sur les listes de candidatures aux élections législatives ou municipales au moins 30% de l’un ou l’autre sexe. En d’autres termes, les listes électorales devraient comporter au minimum 30% d’hommes ou de femmes.

L’accouchement de cette loi a été difficile en raison des réticences, voire des résistances constatées dans la société burkinabè, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Même les partisans des quotas n’ont pas manqué de critiquer la loi pour ses nombreuses insuffisances. Sur ce plan, les critiques portent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un quota au résultat mais plutôt d’un quota neutre d’au moins 30% de l’un ou l’autre sexe sur des listes électorales non alternées. Autrement dit, la loi n’oblige pas les partis à un positionnement particulier des femmes. Elles pourraient donc se retrouver en des positions non éligibles. Dans un contexte où des partis ont expérimenté des quotas volontaires de 25% de femmes sur les listes électorales sans grand succès, le taux actuel de 30% sur les listes ne constitue qu’un petit effort sans aucune garantie de résultat. En l’absence de mesures d’accompagnement plus incitatives, rien ne garantit que 20% de femmes pourraient être élues à l’issue des prochains scrutins législatifs et locaux. De plus, le découpage électoral en vigueur risque de réduire la portée de la loi pour les candidatures aux élections législatives dans la majorité des circonscriptions électorales. En effet, sur les 45 provinces, 37 disposent seulement de deux sièges. Comment appliquer un quota de 30% sur des listes de candidatures dans des circonscriptions électorales à seulement deux sièges ? Le principe des quotas tel que adopté ne pourrait donc produire ses véritables effets que dans sept provinces et sur la liste nationale (ce sont des listes constituées de plus de deux élus députés).

Une loi comportant des insuffisances majeures

La loi n’a pas réglé la question de l’alternance sur les listes de candidatures. À partir de quelle position l’alternance homme/femme doit débuter ? En outre, la loi sur les quotas au Burkina prévoit le recours à une série de sanctions financières (positives et négatives) pour garantir son respect, mais elle ne dit pas explicitement si la peine sera cumulative quand il y aura plusieurs scrutins dans une même année. En outre, un parti qui présente une liste avec 29% de femmes sera-t-il sanctionné de la même manière qu’un parti qui n’a aucune femme sur sa liste ? Le financement supplémentaire prévu pour les partis politiques qui dépasseront les 30% n’est pas non plus précisé. Au dernier scrutin couplé de décembre 2012, plusieurs partis qui ont présenté des listes ne respectant pas le quota ont été sanctionnés. Ils ont perdu la moitié du financement public de leurs activités de campagne.

Les promoteurs de la loi sur le quota sont apparemment sortis amers du scrutin couplé passé. La mise en œuvre de cette loi n’a pas amélioré considérablement la représentation des femmes en dépit des efforts de plaidoyer entrepris en direction des partis politiques (pour les législatives, on est passé de 17 femmes sur 111 en 2007 à 24 sur 127 en 2012 ; soit un pourcentage de 15,30% à 18, 89%). Au-delà de la loi, la représentation politique des femmes reste une question éminemment sociologique qui se résoudra à mesure que le taux d’éducation des femmes va s’améliorer. Aussi, il importe de ne pas occulter le fait que la politique reste encore aux yeux de nombreux burkinabè une activité sans grande vertu où règnent des vices comme le mensonge, la duperie, la violence, la corruption. Une telle perception n’est pas de nature à encourager une forte implication des femmes en politique. Du reste, il convient de souligner que très peu d’hommes osent véritablement s’engager en politique en tant qu’opposant dans ce pays. On le remarque surtout en période électorale, à l’exception du parti au pouvoir où on enregistre très souvent une pléthore de candidatures, de nombreux partis politiques de l’opposition ont du mal à établir leurs listes faute de candidatures aux postes électifs. Dans ces conditions, il n’est pas raisonnable de vouloir leur imposer des quotas.

Liens utiles et ressources documentaires

This post is also available in: English (Anglais)