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Débats majeurs et développements récents – Burkina Faso

Maintenir ou réviser l’article 37 sur la limitation des mandats présidentiels !

La plupart des nouveaux régimes démocratiques africains des années 1990 avaient prévu dans leur constitution le principe de la limitation des mandats garantissant ainsi le principe fondamental de l’alternance politique. Au Burkina Faso, la Constitution prévoyait que le mandat présidentiel d’une durée de sept (7) ans n’était renouvelable qu’une seule fois. Le principe consacré va être l’objet de manipulations diverses en raison de la conjoncture politique. Ainsi, dès 1997, profitant d’une écrasante majorité à l’Assemblée nationale, le parti au pouvoir va initier une procédure de révision constitutionnelle qui fera sauter le verrou de la limitation des mandats tel que prévu à l’article 37 de la Constitution. L’histoire des peuples n’étant pas celui d’un fleuve tranquille, le Burkina va être secoué par une crise socio politique en 1998 suite à l’assassinat dans des conditions troubles du célèbre journaliste Norbert Zongo et trois de ses compagnons de voyage. Un doigt accusateur est pointé sur le régime de Blaise Compaoré ; car juste avant son assassinat, le journaliste menait une enquête sur une affaire dans laquelle le petit frère du président semblait fortement impliqué. En effet, le chauffeur du frère du président avait trouvé la mort dans des conditions manifestement anormales. Il avait été torturé par des éléments de la garde de sécurité présidentielle sur ordre du frère cadet du président.

L’assassinat du journaliste Norbert Zongo a plongé le pays dans une crise socio politique sans précédent. Le président Compaoré, pour sauver son régime en agonie crée un organe chargé de réfléchir sur les causes structurelles et conjoncturelles de la crise. Il est ainsi créé le « Collège des sages » composé des personnalités très respectées au sein de la communauté. A la tête de ce collège sera désigné Monseigneur Anselme Sanou, Evêque du diocèse de Bobo Dioulasso, très respecté par la communauté nationale. Le Collège des Sages entreprit de rencontrer tous les acteurs majeurs de la vie sociale et politique en vue de recueillir leur opinion sur la mission qui a été confiée à ses membres. Au terme de ce processus de dialogue, le Collège des sages produisit un rapport. Une des recommandations fortes de ce rapport portait sur la nécessité de rétablir la clause limitative des mandats présidentiels. Ce qui fut fait en 2000 à travers une révision constitutionnelle.

Au moment de la réintroduction de la clause limitative des mandats présidentiels, le président Compaoré accomplissait son second mandat dont le terme était en 2005. En 2005, lors du scrutin présidentiel, un débat juridique surgit sur l’interprétation de l’article 37 limitant le nombre de mandat présidentiel. Un groupe de partis d’opposition et de juristes ont considéré que le Président sortant ne pouvait plus se représenter pour un autre mandat parce qu’ayant déjà accompli deux mandats. Pour les tenants du régime, la révision constitutionnelle ne saurait rétroagir. La révision ayant été opérée au moment où le président avait déjà entamé son second mandat. Le problème de droit fut porté devant le juge constitutionnel. Des candidats à l’élection présidentielle de 2005 ont demandé l’invalidation de la candidature de Blaise Compaoré. Ils n’obtinrent pas gain de cause. Les juges constitutionnels ont motivé leur décision sur le principe de la non rétroactivité de la loi portant révision constitutionnelle. Le président est réélu en 2005 et le sera de nouveau en 2010. Aux termes des dispositions constitutionnelles en vigueur, il ne peut plus se représenter en 2015. En principe, les Burkinabè doivent s’attendre à la première alternance de leur histoire en 2015.

En attendant l’échéance électorale de 2015, l’histoire socio politique du pays va encore passer par une zone de turbulence. En effet, dès le premier trimestre de l’année 2011, deux crises sociales vont secouer la vie de la nation. Une première consécutive à la mort d’un élève des suites à sa torture dans l’enceinte d’un commissariat de police. On assistera sur l’ensemble du territoire à des manifestations des jeunes pour demander que justice soit rendue à l’élève. A cette crise, viendra s’ajouter un mouvement de révolte au sein de l’armée dont une partie réclamait de meilleures conditions de vie et de travail. Le président est pris à partie par une partie de sa propre garde, il est contraint de fuir le palais présidentiel pour se réfugier, selon des sources, dans son village (Ziniaré, situé à une trentaine de Km de la capitale). Ceci est une première dans l’histoire de ce pays depuis la transition démocratique.

Pour contenir les effets dévastateurs de la mascarade qui était en train de s’installer, le président appelle au dialogue en créant un cadre de dialogue ayant pour mission de faire des propositions de réformes sociale et politique. Ce cadre appelé Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) est boycotté par l’opposition et une partie de la société civile. La question de la limitation des mandats présidentiels est soumise à discussion au sein du CCRP. Surprise, le parti au pouvoir est mis en minorité sur cette question. Les membres du CCRP majoritairement exigent le maintien de la clause limitative des mandats présidentiels. Recevant le rapport du CCRP, le président prend l’engagement de mettre en œuvre les seules les décisions consensuelles. Les partisans du président Compaoré ne s’avouent pas pour autant vaincus. Ils tiennent coûte que coûte à faire sauter le verrou de la limitation des mandats jugeant la limitation anticonstitutionnelle. Toutefois, depuis la création du CCRP, une césure s’est opérée au sein même de la majorité présidentielle dont certains membres sont désormais opposés à cette entreprise de modification constitutionnelle portant sur la limitation des mandats présidentiels.

Depuis l’organisation des scrutins couplés du 2 décembre 2012, certains tendent à croire que le débat sur l’article 37 serait inscrit à l’agenda de certains partisans du pouvoir qui seraient tenté de soumettre la question à un référendum. On a lu dans la presse successivement des prises de position des partisans du pouvoir sur l’organisation d’un référendum sur le maintien ou non de la limitation des mandats présidentiels. Certains partis d’opposition dont celui du tout nouveau chef de file de l’opposition ont déjà réagi à travers les médias en indiquant qu’ils se donneront tous les moyens pour empêcher la réalisation d’une telle entreprise.

De nombreux Burkinabè pensent que toute révision de la constitution portant sur la clause des mandats présidentiels pourrait faire sombrer le pays dans une crise sans précédent. Dans une sous-région très affectée par la crise malienne, il faut craindre que le Burkina Faso, à son tour, plonge dans une instabilité. Il est évident que de nombreux Burkinabè manifesteront contre une nouvelle tentative de tripatouillage de la constitution. De nombreux analystes espèrent que le président Compaoré, lui-même médiateur dans de nombreuses crises socio politique de la sous région aura la sagesse de s’en tenir à son mandat constitutionnel actuel. Aussi, le contexte sous régionale régional et international actuel constituent des handicaps pour tous les chefs d’Etat soucieux de se maintenir à vie au pouvoir. Peut-être que le salut viendra de là !

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