L’état civil et les listes électorales
Depuis 2009, la constitution des listes électorales est du ressort du Comité spéciale chargé du fichier électoral. Placé sous l’autorité du secrétaire permanent de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ce comité s’occupe des recensements électoraux, de l’élaboration et de la mise à jour du fichier électoral.
Au niveau déconcentré, des commissions administratives chargées du fichier électoral sont composées des représentants des partis politiques, des organisations de la société civile (syndicats, associations des femmes, associations de défense des droits humains), de la chefferie traditionnelle et de l’administration. La commission chargée du fichier électorale s’appuie sur les articles 21 à 36 du code électoral pour la réalisation de ses activités. A ce propos, il faut retenir que tout nigérien, résident ou pas au pays, âgé de 18 au moins et mineur émancipé est inscrit sur le fichier électoral.
Il faut noter qu’au cours des élections de 1996 sous le régime militaire de Baré Maïnassara, la révision du fichier électoral avait été confiée à une délégation générale de l’informatique. Cette délégation était directement rattachée à la présidence de la République, réduisant les prérogatives de la CENI à l’organisation et à la supervision des élections.
Le contrôle du fichier électoral constitue un enjeu important. En réattribuant à la CENI la révision du fichier électoral, celle-ci voit ses prérogatives élargies. Le fichier électoral est permanent et les listes électorales font l’objet d’une révision annuelle systématique (du 1er septembre au 31 décembre) et des révisions exceptionnelles en cas de besoin par décret et sur proposition de la CENI. La révision permet d’enregistrer ceux qui viennent d’atteindre la majorité ou qui sont émancipés mais aussi de radier ceux qui sont décédés ou déchus de leur nationalité ou de leurs droits civiques. Par ailleurs, tout citoyen en âge de voter omis sur une liste électorale a le droit d’adresser une requête au président de la commission administrative qui, à son tour, a le devoir de notifier sa décision par écrit à l’intéressé.
Pour justifier son identité, l’électeur produit l’une des pièces suivantes : (1) Carte nationale d’identité, (2) passeport, (3) permis de conduire, (4) carte consulaire, (5) carte de militaire ou carte d’agent des forces de sécurité, (6) livret de pension civile ou militaire, (7) livret ou carte de famille. A défaut de toutes ces pièces, il est provisoirement permis d’inscrire un électeur qui produit deux (2) témoins valables pouvant attester sur l’honneur, de l’exactitude de son identité. Il faut dire que malgré les dispositions légales, l’enregistrement des électeurs pose problème en raison du manque de pièces d’état civil pour nombre de citoyens, d’où le recours au témoignage qui n’est pas un moyen toujours fiable d’identification.
Une autre faiblesse du fichier actuel est que les numéros d’ordre ne correspondent pas aux numéros des cartes. Cela ne facilite pas la confirmation de l’identité des électeurs conformément à l’article 28 du code électoral qui stipule que «les listes électorales font l’objet d’une codification par la circonscription électorale et à chaque électeur correspond un numéro qui est celui sur la liste. Cette codification doit être conforme aux indications fournies par la CENI. Toute liste électorale qui n’est pas conforme aux prescriptions du présent article est nulle ».
La classe politique nigérienne a également été marquée ces dernières années par un débat sur la fiabilité du fichier électoral. Le consensus obtenu au sein du Conseil national du dialogue politique (CNDP) a permis de surmonter cette difficulté qui aurait dû amener à l’annulation des résultats au cours des différents scrutins ou à leur report. A l’issu de plusieurs réunions du CNDP, une unanimité s’est dégagée sur le fichier biométrique qui a pour avantage d’être fiable malgré le coût exorbitant pour sa réalisation. Le passage à la biométrie va-t-il contribuer à rendre plus efficace le fichier d’état-civil ?
L’identification du votant et les cartes d’électeurs
L’inscription sur les listes électorales donne droit, à titre personnel, à une carte d’électeur (article 39 du code électoral). Elle est remise par la commission administrative à son titulaire ou à une personne dûment mandatée sur présentation de l’une des pièces suivantes : carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire, carte consulaire, carte de militaire ou d’agent des forces de sécurité, livret de pension civile ou militaire.
Les conditions d’établissement, de conformité et de la validité de la carte électorale sont fixées par arrêté du président de la CENI (article 38 du code électoral). Les frais de confection et de distribution des cartes sont à la charge de l’Etat (article 38 du code électoral). L’article 39 du même code détermine, quant à lui, les conditions de distribution des cartes électorales : « …La distribution des cartes d’électeur commence effectivement dans toutes les régions au moins deux (2) mois avant le jour du scrutin et se poursuit jusqu’au jour du scrutin au niveau du bureau de vote….
La distribution des cartes d’électeur peut aussi se faire de porte à porte par les comités locaux de distribution mis en place par les Commissions administratives. Les comités locaux incluent les représentants des partis politiques participants aux élections ». L’article 40 du code électoral fait une ouverture à ce propos en stipulant que : « un arrêté du président de la CENI détermine les conditions de distribution des cartes d’électeurs ».
Les cartes non distribuées sont centralisées par les commissions locales et renvoyées au secrétaire général permanent de la CENI.
Dans la pratique, la CENI n’a pas la possibilité de s’assurer que les cartes ont été distribuées conformément aux dispositions prévues. Sur le terrain, les enjeux politiques font que les membres des comités locaux de distribution tendent à jouer le « jeu » politique local en décidant d’associer ou d’exclure, par exemple, les chefs coutumiers. La distribution des cartes d’électeurs est un lieu de « connivence », de « collusions » et de négociations entre partis politiques.
La distribution des cartes électorales a toujours été le maillon faible du système électoral nigérien. En effet, en plus du fait que ces cartes ne possèdent pas de photo et d’autres dispositifs fiables d’identification de l’électeur (empreinte, iris…), il y a le laxisme dans la chaîne de distribution des cartes. La distribution donne lieu à des manœuvres frauduleuses. Si les cartes ne sont pas sciemment retenues ou égarées, elles sont distribuées à des personnes autres que leurs légitimes propriétaires. Souvent, elles ne sont pas distribuées à temps. Dans certains cas, elles ne parviennent même pas dans les bureaux de vote le jour du scrutin comme stipulé dans l’article 39 du code électoral, privant ainsi nombre d’électeurs d’exprimer leur droit de vote.
En 2010-2011, des dispositions ont été prises visant à ‘’sécuriser’’ les cartes d’électeurs. Les cartes étaient gardées dans les mairies et par les chefs de quartier ou de village. Au second tour des élections présidentielles, pour minimiser les risques que les cartes ne soient subtilisées, la CENI a décidé de ne les distribuer que le jour du scrutin au niveau du bureau de vote. Le constat a été que les cartes n’étaient pas toujours disponibles dans les bureaux de vote le jour du scrutin, en particulier dans les communes rurales.
Au niveau des bureaux de vote, certaines dispositions du guide pratique à l’usage des membres des bureaux de vote offrent des facilités pour l’utilisation des cartes frauduleuses, il s’agit entre autres de:
- Inscription de l’électeur sur la liste additive conformément à l’article 66 du code électoral ;
- Recours au témoignage pour l’électeur porteur de sa carte et non détenteur de l’une des pièces énumérées aux articles 76 et 172 du Code Electoral
Sont radiées des listes électorales toutes personnes décédées, déchues de la nationalité nigérienne ou de leurs droits civiques (article 28 du code électoral). En effet, le code pénal nigérien précise les effets des peines criminelles et correctionnelles en matières électorales. En son article 38, il stipule que la radiation de la liste électorale ainsi que non inscription interviennent dans les conditions suivantes :
- Les condamnations pour crime ;
- Les condamnations à une peine d’emprisonnement, avec ou sans sursis d’une durée supérieure à deux mois, assortie d’une amende pour vol, escroquerie, abus de confiance, délit suivi de peines de vol, faux témoignage, faux certificat, corruption, trafic d’influence ou attentat aux mœurs ;
- Les condamnations à plus de 6 mois d’emprisonnement sans sursis, ou à plus d’un an avec sursis ;
Article 39 : Entraînent de plein droit pendant un délai de cinq années la radiation de la liste électorale ou la non inscription sur cette liste, et l’inéligibilité, les condamnations, soit pour un délit visé à l’article 38, soit pour un délit quelconque à une amende sans sursis supérieure à deux cent mille francs sous réserve des disposition de l’article 40.
Liens utiles et ressources documentaires
- Le sahel, 24 décembre 2012. « Adoption du fichier électoral biométrique »: http://nigerdiaspora.net/journaux/sahel-24-12-12.pdf
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