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La régulation et l’équilibrage de la campagne électorale – Burkina Faso

La régulation du financement de la campagne électorale

Si le législateur a prévu des dispositions relatives au financement public des partis politiques et de la campagne électorale, il convient de noter que cette législation comporte de nombreuses lacunes.

Pendant la campagne électorale qu’elle soit présidentielle, législative ou communale, chaque parti ou candidat reçoit un financement public prévu dans la loi de finance. Pour le scrutin présidentiel, la somme allouée est répartie arithmétiquement entre les différents candidats en compétition. Pour les législatives et les municipales, la somme est répartie au prorata du nombre de listes et de candidats présentés dans les circonscriptions électorales. Ce sont les services du Ministère en charge de l’administration qui procèdent à la répartition du financement sur la base d’une clé de répartition définie unilatéralement. Pour les derniers scrutins couplés, le montant total alloué par l’Etat était de 500 000 000 FCFA (1 000 000 dollars US) à raison de 250 000 000 de F CFA (500 000 dollars US) pour chaque type de scrutin pour les législatives et les municipales. Ces différents montants ont été répartis entre plus d’une cinquantaine de partis politiques en compétition. Par exemple, les partis présentant des candidatures sur l’ensemble des circonscriptions aux législatives (soit 45 listes) ont obtenu une vingtaine de millions. A l’exception de ce financement public, chaque parti est libre de rechercher d’autres sources de financement quelque soit son origine.

Tel que prévu par le législateur burkinabè, le financement de la vie politique favorise la corruption et la collusion entre les milieux d’affaire et les partis politiques ou les candidats aux élections. La loi ne prévoit pas de plafonnement des dépenses électorales. De plus, elle ne limite pas le financement des activités politiques par les particuliers, que ceux-ci soient des personnes morales ou physiques de nationalité burkinabè ou étrangère. Elle ne permet pas un contrôle efficace de l’utilisation des ressources publiques affectées aux partis politiques et candidats pour la campagne électorale.

D’abord, il y a un faible contrôle exercé sur le financement public. L’obligation de déposer un rapport auprès de la Cour des comptes est très peu observée. Depuis l’existence de cette Cour, elle n’a jamais sanctionné de candidat ou de partis politiques pour le non-respect des dispositions sur l’utilisation du financement public de la campagne. Or, ces différents rapports mentionnent chaque fois de nombreux cas d’irrégularités. On peut se demander si la Cour dispose de suffisamment de ressources pour opérer un réel contrôle dans un pays où une bonne partie des activités économiques se fait en marge des règles de gestion élémentaire.

Aussi, le financement privé des candidats ou des partis politiques n’est pas réglementé. Une telle situation a pour conséquences la trop forte collusion entre le milieu des affaires et celui de la politique. La plupart des hommes d’affaires les plus fortunés du Burkina sont membres ou sympathisants du parti du Président Compaoré (le Congrès pour la Démocratie et le Progrès – CDP). Très peu d’hommes d’affaires acceptent s’afficher au côté des partis politiques de l’opposition.

A ce jeu il faut craindre que l’Etat finisse par devenir l’otage des milieux d’affaire qui finance les acteurs politiques dans le but d’avoir un accès privilégié aux marchés publics. Un phénomène qui se produit de plus en plus dans les mois précédant l’organisation des différents scrutins est le fait que l’Etat attribue aux hommes d’affaires qui sont proches du parti présidentiel de nombreux marchés publics dont les montants sont estimés à des dizaines de milliards de francs CFA.

Pour une partie de l’opinion publique au Burkina, il s’agit là manifestement d’un moyen détourné de financement de la future campagne électorale. La question de la transparence concernant le financement de l’activité politique a été soumise au Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP) en 2011. Il est ressorti des conclusions de cet organe, la nécessité de plafonner et de contrôler les dépenses des campagnes électorales. Pour rappel, le CCRP est un organe institué en 2011 par le Président Compaoré suite à une série de crise socio-politiques parmi lesquelles une mutinerie de l’armée. Cette mutinerie a obligé le Chef de l’Etat à fuir au moins pendant 24 heures le palais présidentiel. En fin stratège, le président du Burkina Faso a appelé les différentes composantes de la société à la table discussion en vue de faire des propositions de réforme du système de gouvernance politique et administratif. L’opposition burkinabè avait boycotté les travaux de cet organe au motif qu’il manquait de légitimité.

La régulation de la communication électorale

La communication pendant la campagne électorale fait l’objet d’une réglementation. En effet, le Code électoral indique que la campagne électorale se déroule pendant 21 jours pour le scrutin présidentiel et 15 jours pour les législatives et les municipales. Pendant cette période, le Conseil Supérieur de la Communication (CSC), en sa qualité d’organe chargé de la régulation de l’information veille à garantir l’égal accès des partis et candidats aux médias publics. Le CSC adopte des textes réglementaires qui, de façon presque arithmétique, accorde le même temps de parole à toutes les entités prenant part à la compétition électorale. Ce même principe est appliqué dans la presse écrite publique. Des pages du quotidien d’Etat sont accordés aux différents partis et candidats à égalité. Les médias privés qui désirent couvrir la campagne électorale sont soumises aux mêmes obligations que les médias publics. Le CSC leur alloue une subvention afin de les soutenir. Globalement, le CSC assure la régulation de la campagne électorale avec beaucoup de satisfaction. Très souvent d’ailleurs, ce sont les partis et candidats eux-mêmes qui sont dans l’incapacité d’occuper les tranches de temps de parole et d’antenne qui leur sont accordées dans les médias.

En revanche, il se pose de plus en plus la question relative à la régulation de la période précédant la campagne électorale. En effet, les membres du gouvernement qui sont très souvent candidats du parti au pouvoir pour les différents scrutins législatif ou municipal usent et abusent de cette période. Prétextant de l’accomplissement de leur mission gouvernementale, ils profitent les trois mois précédant l’organisation des scrutins pour inaugurer diverses sortes d’activités. La télévision publique est mobilisée pour la couverture médiatique de toutes ces activités. Les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile chargées des questions de gouvernance y voient une campagne électorale déguisée qui rompt avec le principe d’égalité de chance des candidats à une élection. Une réflexion conduite avec le CSC tend à faire des propositions en vue d’intégrer dans le Code électoral une disposition relative à la réglementation de la période de pré-campagne électorale comme c’est le cas dans d’autres pays (Sénégal, Bénin..).

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